Cliss XXI à l’assemblée générale de la Chaire ESS
24 octobre 2015
Vendredi 23 octobre, la Chaire interuniversitaire et interdisciplinaire d’économie sociale et solidaire tenait son AG, et donnait la parole à un chercheur, une élue et un acteur, Cliss XXI.
À l’occasion de cette invitation par la Chaire ESS, il était proposé à Cliss XXI d’intervenir autour des questions suivantes :
- Quelques mots sur Cliss XXI
- La trajectoire de Cliss XXI dans l’ESS
- Les allers et retours entre pratique et réflexion pour faire évoluer l’ESS
- Vision sur l’avenir de l’ESS en Nord-Pas-de-Calais
Nous indiquons ci-dessous quelques éléments qui ont appuyé notre intervention, concernant ces différentes questions
Quelques mots sur Cliss XXI
- Services informatiques en logiciels libres.
- Implication dans l’ESS : 1ère SCIC de la région (2004) ; animation du COTESS bassin minier (qui invite Florence Jany-Catrice en clôture du mois de l’ESS 2015) ; cycle de débats "Penser ensemble", en cours sur le thème "ESS et changement de société", avec la participation de Benoît Borrits, de Michel Besson, et d’autres coopératives (telle Ambiance bois) ou associations engagées dans cette dynamique.
- Éducation populaire (10% de notre activité) : débats (numérique), projets de territoire (Webradio, ...).
La trajectoire de Cliss XXI dans l’ESS
Durant presque 12 ans d’activités, notre trajectoire s’oriente autour de :
- questions internes :
-
- contre la division technique et sociale, à l’oeuvre dans la société et dans nos organisations, nous privilégions un travail d’équipe, au sein duquel chacun-e est à la fois, ou tour à tour, concepteur et réalisateur, dirigeant et exécutant ;
- rotation des postes : nous pratiquons la gérance tournante, avec élection chaque année ;
- égalité des salaires ;
- polyvalence, avec l’idée de ne pas affecter des types de tâches donnés à une personne donnée ;
- gestion de son temps de travail par chacun-e ;
- encouragement à alléger son temps de travail, pour améliorer sa vie quotidienne ;
- questions externes :
-
- la coopération, et non la compétition, avec d’autres organisations similaires, en région ;
- la participation à des réseaux coopératifs ;
- notre investissement dans la création du réseau La Prise, une mise en réseau de lieux et d’initiatives consacrés à la création et au développement d’activités collectives, et avec l’émancipation comme finalité ;
- notamment, la mise en oeuvre de La Prise va connaître prochainement de nouveaux développements, avec l’arrivée de Cliss XXI dans de nouveaux locaux, en métropole, conjointement avec d’autres organisations de l’ESS, proches de nous sur le plan des finalités ;
- enfin, ces dernières années, notre trajectoire s’est caractérisée par notre investissement, depuis son origine, dans la Foire à l’autogestion, et dans la création du LAG (Lieu Auto Géré).
Les allers et retours entre pratique et réflexion pour faire évoluer l’ESS
La première des questions à se poser c’est : Qu’est-ce que ça signifie, à nos yeux, faire évoluer l’ESS ?
D’une manière générale, les débats autour de l’ESS portent sur :
- le fait que l’ESS pourrait être une économie de réparation. Voir par exemple l’article 2 de la loi : "Ces sociétés [...] recherchent une utilité sociale [...] elles ont un objectif de soutien aux personnes en difficultés (médicale, sociale, économique, ...) ou de contribution à la lutte contre les exclusions et les inégalités". Pour dire les choses rapidement, ESS = réparation des dégâts du capitalisme. On est dans une ESS proche de l’humanitaire, de la bienfaisance. Dans cette vision, on a aussi ESS = palliatif de l’action publique (mise en oeuvre de ce que l’action publique n’est pas capable d’assurer).
- l’autre terme du débat positionne l’ESS comme un moteur auxiliaire de l’économie générale, de l’économie "sérieuse". L’ESS est alors un moyen d’action, un secteur d’activité parmi d’autres dans le monde économique. Elle est contributive à la croissance économique, une croissance enrichie de durabilité, d’acceptation sociale, de respect de l’environnement, de prise en compte du territoire, avec une gouvernance participative, etc. C’est une ESS qui entend contribuer à la création de valeur, encourager l’esprit d’entreprise, conquérir des marchés, ... avec d’autres façons de faire, d’autres pratiques... Pour dire encore les choses rapidement, c’est une ESS de collaboration avec l’économie générale, qui ne remet pas en cause les cadres structurants du libéralisme, qui n’envisage pas de remise en cause du système, du capitalisme.
- pour notre part, nous souhaitons sortir de cette vision binaire de l’ESS, ESS de réparation ou ESS de collaboration. Ce qu’il nous semble important de pousser, c’est une ESS de résistance ; de remise en cause du système ; une ESS d’émancipation sociale, de transformation du système ; une ESS qui s’inscrit dans le changement de société, dans la sortie du capitalisme.
À partir de cette définition, quels allers-retours entre pratique et réflexion ?
Si on positionne l’ESS comme une ESS de résistance, les apports et les contributions théoriques peuvent s’avérer extrèmement riches :
- pour pointer qu’une telle conception n’est absolument pas neuve, historiquement. Si on se réfère à :
- les Marmites (cuisines coopératives à Paris avant la commune) ;
- la société de secours mutuel des relieurs ;
- les bourses du travail ;
- "Au commerce véridique", de Michel-Marie Derrion ;
- les contre-plans ouvriers alternatifs (Lucas aérospace 1970 - Philips EGP à Dreux 2010) ;
- les Ceralep à Saint-Vallier 1921 ;
- Tower Colliery (coopérative autogérée, durant 13 ans, en 1995, après la plus longue grève du mouvement ouvrier britannique) ;
- LIP ;
- Tricofil au Quebec (1974) ;
- ...
On peut ainsi pointer une vraie filiation historique, concernant cette ESS de résistance.
- pour expliciter la dimension internationaliste d’une telle conception de l’ESS. Cette vision d’une ESS de résistance, on la retrouve dans :
- le gigantesque réseau coopératif Cecosesola au Vénézuela ;
- les entreprises récupérées en Argentine ;
- les coopératives intégrales catalanes (Aureasocial) ;
- Vio.me, en grèce : Cliss XXI a eu l’occasion de rencontrer Vio.me, lors de la dernière Foire à l’autogestion, début juillet 2015, justement le jour du referendum grec. Nous pouvons affirmer sans ambiguïté que ce qui guide les travailleurs et travailleuses de Vio.me ce n’est assurément pas une ESS de réparation, ni de collaboration, mais que c’est bien la resistance aux conditions qui leur sont faites en Grèce qui les anime ;
- les bus ABC Coop (Uruguay) ;
Il est donc intéressant de disposer d’éléments qui pourraient permettre de consolider la dimension internationaliste de cette ESS de résistance.
- pour défricher quelques axes structurants de ce qu’incarne une ESS de résistance. Notamment :
- la question de l’autogestion : elle refait son apparition, après 3 décennies d’oubli. Quelles pratiques concrètes recouvre-t-elle ? Quel cadre pour sa réappropriation et son développement ?
- les utopies : quels projets utopistes, par exemple en matière de critique du salariat, de critique industrielle, de critique de la vie quotidienne ?
- l’internationalisme : quelles perspectives de convergences entre les organisations qui se retrouvent dans l’ESS de résistance ? Au niveau régional et national, tout d’abord (voir le réseau REPAS, ou La Prise, par exemple), mais également au niveau international ?
- la puissance publique et l’ESS de résistance : quels points d’appui ? quelle défiance ?
- etc...
Vision sur l’avenir de l’ESS en Nord-Pas-de-Calais
Il s’est longtemps dit que la région était en pointe en matière d’ESS, notamment concernant certains territoires, tels celui de la MEL, ou encore Artois-Comm.
C’est peut-être vrai, en ce sens que nous n’avons pas de points de comparaison. Mais on peut faire un pas de côté, et poser la question : "Qu’est-ce que c’est qu’être en pointe ?". Si c’est avoir de nombreuses organisations, avoir des appuis de la puissance publique, pourquoi pas !
Ceci étant, on peut s’interroger différemment, à la lumière de nos précédentes approches de ce qu’est l’ESS.
Typiquement :
Quelle est la forme actuelle du capitalisme :
- effondrement du marché du travail ;
- essor de l’économie informelle ;
- destruction des systèmes de solidarité sociale.
... Face à cela, de très nombreuses personnes, notamment parmi les jeunes, n’ont pas envie de faire carrière dans le management, le marketing, la compétition de tous contre tous, etc... mais souhaitent plutôt expérimenter la possibilité de vivre autrement, avec sans doute les limites qu’elles y trouveront.
C’est sur ces bases que l’ESS, en région, peut trouver de bons points d’appui ; il s’agit alors d’amorcer de nouvelles pratiques, et de nouvelles réflexions, qui s’enracinent effectivement dans une ESS de résistance qui préfigure une nouvelle société, post-capitaliste.
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